Élimination de la pêche INN et premier système de documentation des captures dans le monde

, Secrétariat de la CCAMLR

Photo: Karl Hermann Kock

Élimination de la pêche INN et premier système de documentation des captures dans le monde

La pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN) est un problème qui sévit dans tous les océans du monde et dont la valeur est estimée par certains à des dizaines de milliards de dollars par an. La première utilisation du terme « pêche INN » est attribuée à la CCAMLR en 1997, et en 1999, il est adopté par la communauté internationale dans le Plan d’action international de 2001 de l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) visant à prévenir, contrecarrer et éliminer la pêche INN.

Le développement de la pêche palangrière à la légine à la fin des années 1980 a été le premier test de la capacité de la CCAMLR à gérer une pêcherie entièrement nouvelle. Les premières indications de prélèvements de légines non déclarés ou illicites de la zone de la Convention sont apparues lors de la réunion de la Commission en 1993, lorsqu’un certain nombre d’infractions aux mesures de conservation de la CCAMLR ont été signalées dans le secteur Atlantique sud de l’océan Austral. En 1996, ces activités se sont propagées tout d’abord au sud du secteur Indien de l’océan Austral, puis au secteur Pacifique.

La pêche INN de ces espèces était particulièrement attrayante dans la zone de la Convention en raison d’une part, de taux de capture initialement élevés sur des populations qui jusque-là n’avaient pas été exploitées et d’autre part, de la valeur élevée de la légine (qui a augmenté à la suite de la réduction de la pêche INN ayant conduit à une baisse des captures mondiales – le prix de la légine est passé d’environ 5 $USD/kg au milieu des années 1990 à environ 30 $USD/kg aujourd’hui). L’isolement de nombreux lieux de pêche en Antarctique n’a fait que renforcer l’attrait pour cette pêche INN d’autant qu’il est difficile d’y contrôler ces activités et d’y faire respecter la réglementation. Ces caractéristiques rendent la pêche rentable et les chances de détection et d’arrestation faibles.

La CCAMLR a pris plusieurs initiatives dans les années 1990 pour réduire et éliminer la pêche INN à la légine, entre autres des efforts visant à accroître le contrôle et l’arrestation des pêcheurs et à réduire la valeur de la légine capturée illégalement par rapport à celle de la légine prise par des navires détenteurs de licences, deux mesures qui ont réduit la profitabilité des activités INN.

L’une des actions les plus célèbres a été la poursuite du navire Viarsa 1, qui, en 2003, a été repéré en pêche illicite autour de l’île Heard. Il a été poursuivi sur 7 200 km dans le cadre d’une action de coopération entre plusieurs membres de la CCAMLR jusqu’à son appréhension à 4 000 km au sud-ouest du Cap. De 1997 à 1999, la France et l’Australie ont arrêté 18 navires engagés dans des activités de pêche INN autour des îles Kerguelen, Crozet et Heard et McDonald.

Viarsa 1. Photo Romain Lopez

En 1997, la CCAMLR a mis en place une procédure officielle pour placer les navires dont il a été découvert qu’ils étaient engagés dans une pêche INN dans la zone de la Convention sur une « liste des navires INN ». Que signifie pour les navires d’être inscrits sur une liste des navires INN ? Les Parties contractantes de la CCAMLR, entre autres restrictions, sont tenues de ne pas leur accorder de licence de pêche pour la zone de la Convention, d’empêcher leurs navires d’effectuer des transbordements avec les navires de la Liste et d’une manière générale, de leur interdire l’entrée dans leurs ports. Il est alors très difficile pour ces navires de continuer d’opérer en tant que navires de pêche. D’autres organisations internationales chargées de la gestion d’activités de pêche tiennent également des listes des navires INN. 

En 1999, la CCAMLR a mis en place le premier système au monde de documentation des captures afin d’éliminer l’accès des poissons capturés illégalement aux marchés de légine. Considéré comme l’un des systèmes de documentation des captures les plus efficaces au monde, le système de documentation des captures de Dissostichus spp. (SDC) assure la traçabilité de la légine, du lieu de capture au dernier point de vente, sous l’œil d’inspecteurs gouvernementaux qui délivrent des certificats de capture ou d’exportation selon les besoins. Les Parties contractantes interdisent l’importation de produits de légine qui ne sont pas accompagnés des certificats délivrés par le SDC, ce qui permet d’empêcher les plus grands marchés mondiaux d’importer de la légine capturée illégalement. Le SDC permet par ailleurs à la CCAMLR de déterminer, par le suivi des échanges commerciaux de légine, si de la légine est importée par des pays qui ne sont pas Parties contractantes à la CCAMLR, mais que la CCAMLR incite à participer volontairement au Système.

Les actions de la CCAMLR et de ses Parties contractantes ont été soutenues par celles de l’industrie de la pêche et d’organisations non gouvernementales (ONG) qui assistent aux réunions de la CCAMLR à titre d’observatrices. En 1997, le Tasmanian Conservation Trust, membre de la Coalition sur l’Antarctique et l’océan Austral (ASOC), une ONG observatrice auprès de la CCAMLR, a établi une opération de suivi de la pêche grâce au soutien financier des pêcheurs de légine titulaires d’une licence et du gouvernement australien. En 2003, cette coalition industrielle a établi la Coalition des opérateurs légaux de légine (COLTO). Ces organisations ont pu recueillir des informations sur les activités de pêche INN de légine auprès de contacts de l’industrie et exercer une pression sociale pour éliminer la pêche INN.

Ensemble, toutes ces activités ont permis de réduire la pêche INN de légine dans les eaux de la CCAMLR, mais l’organisation reste vigilante à tout signe de récidive !

Estimations effectuées par la CCAMLR des captures INN de légine
(source : SC-CAMLR-2010, annexe 8, tableau 5 ; et SC-CAMLR-XXXVII, annexe 9, figure 1).